8.1.11

L'élégance des veuves, d'Alice Ferney

C'est un tout petit livre, que j'avais sur mon étagère depuis quelques mois déjà, et que j'ai attrapé pour meubler ma dernière insomnie. J'en avais entendu du bien, dans Le masque et la plume je crois, et c'était mérité.

En peu de page, et avec sensibilité, Alice Ferney dépeint le cycle de la vie des femmes, dans ce qu'il a de plus constant : plonger dans l'inconnu du mariage avec plus ou moins de bonheur, mettre des enfants au monde, encore et toujours, et enterrer ses morts en faisant semblant de rester vivante et si possible gaie, pour ne pas effrayer la génération qui vient, que les enfants ne sachent pas tout de suite qu'à partir d'un certain point, la vie n'est plus qu'une accumulation de cicatrices...

L'attachement des hommes et des femmes à leur conjoint, des femmes à leurs enfants, est très bien décrit, et m'a touchée. Si globalement la leçon semble un peu pessimiste, mais peut-être est-ce moi qui le suis en ce moment, elle entre en résonance avec ce que je perçois de la vie après avoir parcouru plus de la moitié du chemin... On ne devient pas plus solide avec le temps qui passe, comme on pourrait le croire à 20 ou 30 ans en regardant nos mères. Au contraire, on se fragilise. Parce que les disparitions s'accumulent, laissant des vides que rien ne comble, parce que les douleurs nouvelles ravivent les plus anciennes, parce qu'on sait qu'on n'a plus le temps, ni les forces, ni la jeunesse, pour tout recommencer. On peut donner le change, mais au fond, on est ce cœur à vif qui pleure en secret ceux qu'il a perdus...

En parcourant quelques notes de lectures sur le net, comme par exemple le site du groupe lecture, je me dis qu'en effet, on pourrait penser qu'il s'agit surtout du sort de nos mères, grand-mères, arrières grand-mères, et que ce cycle sans fin est révolu, maintenant que les femmes sont "libres" de construire leur vie comme elles le souhaitent, de travailler, de divorcer, de refuser d'avoir des enfants même... Et bien sûr, la critique acerbe d'un système social opprimant pour la femme est sous-jacente au récit. Mais s'il nous touche encore autant, sauf sans doute les plus jeunes, et c'est heureux, c'est parce qu'il y a malgré tout une sorte de permanence de ce cycle de vie, quelle que soit "la condition de la femme" dans la société. Travailler au dehors, avoir une vie intellectuelle, tout cela ne change rien à l'affaire : nous restons des êtres de chair et de sang, pour qui les attachements sentimentaux restent en général plus puissants que tout autre "divertissement", au sens où l'écrivait Pascal. Se retrouver veuve d'un homme qu'on aime, ou perdre un enfant, reste une terrible épreuve, quelle que soit l'époque.

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