25.1.11

Madame Chrysanthème, de Pierre Loti

Loti au Japon est moins attachant que Loti en Turquie... Il faut dire que le Japon ne lui plaît guère, je devrais dire les Japonais, pour lesquels il manifeste à la fois de l'incompréhension, ce qui est ma foi recevable, mais aussi pas mal de mépris et de condescendance dans ses propos, ce qui est plus dérangeant, même si dans ses comportements il tente de s'adapter aux usages locaux.

Si pour mieux s'immerger il en passe toujours par les femmes, la manière dont il le fait au Japon est nettement moins touchante qu'en Turquie, où il s'est vraiment épris d'Aziyadé, qu'il évoque d'ailleurs dans ces nouvelles pages écrites quelques années plus tard. Ici, il va, de manière tout à fait cynique, voire choquante, acheter une épouse pour la durée de son séjour... même s'il refuse la toute jeune adolescente qu'on lui propose en premier lieu, qui lui apparaît vraiment trop jeune faire l'objet d'une aussi sordide transaction. Cela semble pratique courante, avec entremetteurs spécialisés, familles consentantes, et d'ailleurs d'autres marins de son bateau l'imitent rapidement. Mais la jeune Chrysanthème ne le séduit pas, il ne la comprend pas, osant jusqu'à dire que sans doute elle n'a ni âme ni cerveau. La cohabitation sera donc de pure convention, sans dispute, Loti reste bien élevé, mais sans chaleur.

Pour le reste, comme dans Aziyadé, il décrit sa vie quotidienne, en répétant les routines, et ce qu'il voit dans ses promenades quasi quotidiennes. A ce titre, l'ouvrage est intéressant, car Loti décrit bien, et permet d'appréhender le mode de vie des Japonais à la fin du 19ème siècle, ou tout du moins la vie à Nagasaki, où son bateau reste stationné pendant tout son séjour.

Il se laisse tout de même séduire par le raffinement japonais, y compris l'aménagement très "zen" des habitations, qui au départ le glace quelque peu, l'art des bouquets qui l'enchante, les jardins japonais, les "petites choses mignonnes" (à l'époque, il n'était pas à la mode de dire "kawaï"), les tenues sophistiquées des femmes. Bref, on peut faire avec lui un voyage imaginaire, et comparer ce qu'il décrit avec ce que l'on sait de la civilisation japonaise contemporaine et de son art de vivre spécifique, qui fascine de plus en plus d'occidentaux et qu'aujourd'hui on connaît un peu mieux.

Comme pour Aziyadé, c'est René Depasse qui a prêté sa voix à Loti, toujours avec brio, sur Litterature audio.com.

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