20.12.10

Le journal d'une femme de chambre, d'Octave Mirbeau

Je n'aurais sans doute jamais eu l'idée de lire ce livre s'il n'avait figuré en tête des lectures les plus populaires de Litterature audio.com. A l'écoute, on comprend pourquoi : la donneuse de voix, sous le pseudonyme de Victoria, a un réel talent et incarne véritablement Célestine, une femme de chambre de la fin du 19ème siècle, qui raconte son histoire dans un journal où elle n'épargne aucun des maîtres qui l'ont employée, de Paris à une petite ville normande où elle terminera sa carrière de domestique.

Certaines pages sont assez lestes on s'en doute : tantôt le maître de maison, son fils ou petit fils, tantôt un autre domestique de la maison ne tarde pas à jeter son dévolu sur cette jeune femme, plutôt jolie, et qui aime l'amour. Rien que de très classique dans le phénomène. Célestine le conte sans fard, et c'est parfois assez glauque. Elle croque un portrait sans complaisance de la bourgeoisie et de la petite noblesse, qui sous des dehors respectables cachent les pires vices, de l'avarice à la franche débauche, quand ce n'est pas la plus pure escroquerie. D'ailleurs, Célestine pense que l'argent est toujours sale. C'est pourquoi sans doute elle ne s'offusquera guère en soupçonnant que l'homme qui la fera sortir de sa condition de domestique ait certainement acquis sa (petite) fortune de manière peu orthodoxe. Pour n'être plus femme de chambre, elle n'en sera d'ailleurs pas libre pour autant, soumise à un homme qu'elle nous décrit selon les meilleurs poncifs de la canaille séductrice dont les gros muscles lui inspirent non seulement du respect, mais aussi du désir. Quoiqu'en disent les commentaires des auditeurs, et même de la lectrice, je n'en suis pas plus surprise que ça : pour être lucide et impertinente, Célestine n'en est pas moins conforme aux règles de la société dans laquelle elle vit, et bâtit son modèle sur ceux qu'elle a pu croiser dans sa vie agitée et précaire. Les pages où elle nous décrit les mœurs des bureaux de placement sont édifiantes, et l'on comprend que ce soit la terreur des "gens de maison" que de se trouver contraints d'y recourir.

Mon chapitre préféré (le X) reste celui où elle nous décrit le ridicule de Victor Charrigaud et de son épouse, qui veulent se faire une place dans la société mondaine, après que lui, écrivain, ait pourtant fustigé le snobisme. Mais lorsqu'ils décident de recevoir chez eux pour un dîner, ça vaut dix !

Un moment distrayant grâce à la lecture très vivante et enlevés de Victoria, ponctuée d'ambiances sonores et musicales qui créent une ambiance tout à fait plausible. Une peinture sociale intéressante, bien qu'elle tende à vous rendre un peu misanthrope.

Aucun commentaire:

Related Posts with Thumbnails