2.8.10

La Consolante, d'Anna Gavalda

Je n'avais pas lu La Consolante, parce que les critiques ne l'avaient pas particulièrement bien servi, et que je n'avais pas envie d'être déçue par un auteur que j'aime bien. Et puis je l'ai trouvé en poche par hasard, pendant les vacances en allant acheter la presse. Et comme j'aime bien Gavalda, je l'ai acheté (vous noterez la contradiction ;-)

Je n'ai pas eu le temps d'y mettre un marque page (et pourtant la libraire m'en avait glissé un sous la couverture), je l'ai juste retourné tout ouvert le temps de manger, pour le terminer un peu tard dans la nuit suivant le jour où je l'avais commencé. Gavalda, c'est comme ça : ça rebondit de page en page, et comme on imagine que ça finira bien, on ne veut jamais rester sur un moment difficile pour le personnage principal du roman.

Gavalda aime les gens, et c'est sans doute pour ça qu'on l'aime. Elle met en scène des gens ordinaires : notre beau-frère, la voisine de palier... nous peut-être. On peut sans doute dire aussi que c'est un écrivain de la résilience (elle cite d'ailleurs le mot dans ce livre). Quelles que soient les difficultés rencontrées par les personnages, ils finissent toujours par trouver une issue vers le soleil, qui comme chacun sait appartient à tout le monde, et en général grâce aux autres, le schéma préféré de Gavalda étant celui des éclopés de la vie qui se sauvent les uns les autres.

La Consolante suit cette règle, ce qui est d'ailleurs (dommage) annoncé dès la 4ème de couverture. Charles, architecte et bientôt cinquantenaire, semble pourtant bien empêtré, dans sa vie contemporaine, mais surtout dans ses souvenirs d'enfance et d'adolescence, qui lui sont brutalement rappelés par une lettre laconique lui annonçant le décès d'Anouk, une ancienne voisine, chez qui il passait pas mal de temps. Alexis, le fils de ladite voisine, était son ami d'enfance, jusqu'à ce qu'ils se brouillent. La vie d'Anouk était une sorte de capharnaüm joyeux, qui permettait à Charles d'échapper à la monotonie de la vie très rangée de sa propre famille.

Pendant qu'il sombre dans un épisode dépressif, qui pourrait aller jusqu'au nihilisme, Charles égrène mentalement toute l'histoire de ses relations avec Alexis et Anouk. Tout cela est assez nauséeux, et il tente d'ailleurs un moment de s'en extraire, mais sa mémoire est trop précise. Il grattera donc la plaie jusqu'à l'os, finissant son parcours chez Alexis, dont il retrouve les coordonnées beaucoup plus facilement qu'il ne l'aurait pensé. Et c'est là qu'il sera confronté à Kate, qui contrairement aux apparences premières a elle aussi été bien écorchée par la vie... Je ne vous en dit pas plus, c'est déjà presque trop.

Comme toujours, on se laisse facilement entraîner dans les histoires de Gavalda, et on s'attache, comme elle, à ses personnages. Par contre, elle introduit dans ce roman des effets de style que j'ai personnellement trouvés pénibles. Sous prétexte de nous restituer quelque chose qui pourrait ressembler au discours intérieur de Charles, elle abuse de tournures elliptiques, de phrases tronquées, de verbes sans pronoms qui se succèdent en cataractes. A d'autres moments, elle s'introduit, en tant qu'auteur, dans le récit, morigénant son personnage et répondant à sa pensée intérieure. Bof. Cela m'a semblé artificiel. Et j'ai trouvé frustrante la rédaction de la fin, elle aussi elliptique, après deux ou trois pages de tergiversation de l'auteur sur la manière de la traiter. A mon humble avis, elle aurait du se contenter d'une narration classique, comme celle qu'elle prête à Kate lorsqu'elle raconte son épopée personnelle à Charles : ce sont à mon avis les pages les plus réussies du livre, les plus agréables à lire en tous cas. On sait où on est, quand, et comment s'enchaînent les événements. Ringard ? Non, efficace. Gavalda n'a pas besoin de chercher l'innovation littéraire, son talent, c'est justement de raconter des histoires qui coulent bien, de savoir "faire histoire" à partir de la vie de tout un chacun. Ce qui éclatait dans son recueil de nouvelles J'aimerais que quelqu'un m'attende quelque part.

Comme je m'en souvenais, pas mal de coups de griffes dans les critiques de l'ouvrage, comme on peut le voir sur Critiques Libres, où une grande partie des lecteurs font exactement les mêmes reproches que moi (toujours frappant à constater lorsqu'on écrit ses propres impressions avant de lire celles des autres). Et je ne renierais pas le billet du Blog des Livres si je l'avais écrit.
Olivier Barrot, qui présente "Un livre, un jour", semble avoir aimé. Le site de l'INA nous restitue la séquence. Je ne sais pas s'il faut la regarder avant de lire...

En revanche, on peut lire sans problème les "5 questions à Anna Gavalda" sur PaperBlog. Vous verrez que, contrairement à ce que pensent certains lecteurs, elle n'a pas bâclé, elle a bossé pour son livre. Moi, je me demande si elle n'a pas "trop" bossé, justement...

Et comme beaucoup d'autres fans de Gavalda (je le reste), j'attends le prochain opus...

3 commentaires:

keisha a dit…

J'ai été un peu plus "méchante" que toi, mais je suis d'accord, quand Gavalda se lance comme pour le récit de kate, c'est réussi!!!

Claudio Pinto a dit…

Merci pour votre excellent compte-rendu.

Dominique a dit…

je suis très bon public avec ce genre de roman, je demande à sortir de mon cadre habituel et à m'envoler avec des personnages
Gavalda fait ça très bien et cela suffit à mon plaisir car elle ne se prend pas pour autre chose qu'un auteur de littérature populaire, mais cette littérature là est utile voire indispensable quand tout pèse et que l'on a besoin d'évasion

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