3.8.06

Quand l'ail se frotte à l'encens, d'Adame Ba Konaré

Poursuivons dans la littérature africaine, et plus précisément avec les écrits des participantes au débat précédemment évoqué. Quand l'ail se frotte à l'encens est le premier roman d'Adame Ba Konaré, qui est une historienne distinguée, ancienne première dame du Mali, et épouse de l'actuel président de l'Union Africaine.

L'histoire se passe à Bamako, dans les années 90, et confronte les belles élégantes qui se parfument à l'encens avec les pauvres démunis qui puent l'ail. L'écriture est assez belle, bien que parfois un peu trop académique, et restitue les ambiances de manière très sensuelle. L'ironie est légère, et le récit ressemble par instants à un conte...

Je ne connais pas l'histoire du Mali, mais d'après le peu que j'ai lu, il semblerait que les émeutes décrites dans l'ouvrage soient en réalité le prélude au renversement du régime autoritaire de Moussa Traoré, auquel Alpha Oumar Konaré a succédé en tant que premier président démocratique du Mali.

La fin du livre n'en est que plus déconcertante.
Il ne finit pas comme le conte qu'il pourrait être, et il me fait l'effet d'une sorte de parabole sans morale...
Il ne s'ouvre pas sur l'espoir d'une vie meilleure pour les pauvres, et notamment pour la mère du jeune insurgé qui avait pris la tête des émeutes de Bamako, assassiné par on ne sait trop qui.
Le chef de cabinet du Maître de la Ville tente de le faire tuer, échoue, et ne sait pas qui a fait l'ouvrage à sa place, avant de découvrir que ce jeune Dianguina était son neveu. Il en tire pour seul enseignement que riches ou pauvres, les hommes constituent une seule et même famille, l'espèce humaine. Mais il n'est pas certain pour autant qu'il viendra en aide à sa cousine Mariam, la mère de Dianguina.
Parallèlement, Safi, fille du Maître de la Ville, que Diangana a séduite grâce à un philtre magique qu'il compose lui-même (un des passages savoureux du bouquin), vient elle aussi voir Mariam, avec l'enfant né de cette éphémère union. Mais elle non plus ne semble pas décidée à venir en aide à cette famille pauvre.
Enfin, les émeutes se soldent par quelques mesures sociales auxquelles les pauvres ne croient pas une seconde : ils ne sont pas en mesure de produire les pièces administratives qui leur permettraient de faire valoir leurs droits.
On a l'impression que tout va retourner à l'ordre ancien, dans la résignation de tous...

Adame Ba parle aussi de l'excision, et décrit en partie l'initiation des jeunes filles qui l'accompagne dans certaines régions d'Afrique. L'expérience n'y est pas aussi traumatisante que dans le témoignage de Khady, et l'excision est présentée comme une sorte de parallèle avec la circoncision masculine, également pratiquée dans le groupe ethnique et religieux dont il est question dans le livre.

Pas de révolte. Pas d'espoir. Même si la langue est assez bien traitée, et en dépit de quelques scènes d'anthologie (la préparation du philtre d'amour précédemment évoquée, un cours sur les parfums, et un sacrifice aux Dieux pour obtenir le rétablissement de l'ordre dans Bamako) j'avoue que j'attendais davantage de cette femme qui se présente comme une militante des Droits de l'Homme...
Sa connaissance des parfums cependant m'a séduite, et en tant qu'amateur d'encens, je pense que je lirai son ouvrage "Parfums du Mali", où elle dévoile paraît-il, tous les secrets de séduction des femmes maliennes...

Ce sont essentiellement des sites africains qui parlent du livre. Sur Femmes écrivains et littératures africaines, une interview de l'auteure à propos de ce premier roman, une bibliographie d'Adame Ba Konaré, et une présentation de la littérature malienne. Sur passion du livre, la présentation du livre et ses premières lignes. Sur BamaNet, un article du Républicain relatant la dédicace de l'ouvrage. Sur Bamako Culture, une critique plutôt élogieuse, comme sur Afribone et sur Malikounda. Et sur RFI, une courte interview sonore de l'auteure. Bon, apparemment, je suis la seule à porter un regard critique...
Si je ne peux nier qu'en effet, le roman dépeint bien la fracture sociale comme c'est répété partout, je n'ai pas forcément capté le message de partage. Mais ce n'est pas forcément facile pour la femme du Président de porter ce discours, et l'on perçoit au travers des différentes interviews, comme d'ailleurs lors du débat d'Africajarc, qu'elle est assez conservatrice. Elle est aparemment plus virulente dans les discours plus politiques, comme dans son discours inaugural aux Rendez-vous de l'histoire de Blois, en 2003.

Pour en savoir un peu plus sur le Mali et son histoire, on peut se reporter à la chronologie proposée sur le site Histoire de l'Afrique de l'Ouest, ou à Wikipedia : présentation du Mali, histoire du Mali. Je suis aussi allée jeter un oeil à la biographie d'Alpha Oumar Konaré, l'époux d'Adame Ba, et à la présentation de l'Union Africaine, dont il est l'actuel président. Je m'aperçois que je sais très peu de choses de l'Afrique...

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