13.8.13

Madeleine Férat, d'Emile Zola

Zola par Manet
Dans nombre de ses livres, Zola fait une large place à la sensualité, laissant transparaître que, peut-être, la sienne pouvait le tourmenter. Dans de nombreuses pages, il décrit minutieusement tantôt les délices, tantôt les tortures et les dévoiements qu'elle apporte avec elle.

On peut dire que Madeleine Férat est largement centré sur ce sujet.

Madeleine, fille d'un artisan enrichi,  se retrouve orpheline au tout début de sa vie d'adulte, après avoir été éduquée comme une petite bourgeoise écervelée dans un pensionnat de jeune fille. Quand on connaît les idées de Zola sur l'éducation, on n'est pas surpris qu'elle se retrouve, sans vraiment s'en rendre compte, entraînée dans une vie de petite maîtresse avec Jacques, étudiant en médecine et joyeux viveur, qui la plante là lorsqu'il reçoit son affectation de chirurgien en Cochinchine.

Madeleine se retrouve seule, et quitte rapidement le groupe de joyeux drilles avec qui elle partageait jusque là son temps, et dont au fond la vulgarité la blesse. Quelques semaines plus tard, elle rencontre Guillaume, fils d'un aristocrate normand, aussi perdu qu'elle à Paris. Le jeune homme, enfant adultérin élevé par une vieille fille protestante, rigide au point d'en être hystérique de religion, ancien souffre-douleur de ses camarades de collège, cherche une affection qui pourrait soutenir sa vie.

Après une année d'amours cachées dans la campagne du Vexin, où le jeune homme est retourné vivre après le suicide de son père, Guillaume parvient à convaincre Madeleine de l'épouser. En dépit des réticences et des pressentiments de la jeune femme, leur mariage est très heureux  pendant quatre ans, durant lesquelles ils ont une petite fille, Lucie, qui comble leur bonheur tranquille.

C'est alors que Jacques revient, lui que tout le monde croyait mort dans le naufrage de son bateau. Entre temps, Madeleine a découvert que Jacques était le seul ami d'enfance de son mari, mais Guillaume ne sait encore rien du passé de son épouse, à laquelle il a fermé la bouche chaque fois qu'elle a tenté de le lui révéler.

C'est le début d'une descente aux enfers pour Madeleine et Guillaume, elle hantée par le souvenir de son ancien amant, jusque là enfoui dans les replis de sa mémoire, lui dévoré d'une cruelle jalousie en découvrant que son unique ami a été le premier amant de sa femme. Le tout sous l’œil et les propos impitoyables de Geneviève, la vieille servante protestante toujours au logis,  qui se pose en porte-parole d'un Dieu vengeur, inaccessible au pardon.
A tel point qu'au dernier chapitre, la mort apparaît comme une issue presque suave...

On trouve déjà dans ce roman de nombreux thèmes chers à Zola, qui s'insurgeait contre l'obscurantisme de la religion, vénérant les joies calmes de la nature et des amours heureuses, croyant aux bienfaits de l'éducation et d'une vie réglée. Mais si son humanisme fut souvent visionnaire, on reste un peu abasourdi par les causes qu'il avance ici pour expliquer les comportements de Madeleine, qui apparaît dans ce roman comme entièrement assujettie à l'homme qui éveilla ses sens, au point d'en marquer toute sa vie et de faire non seulement son malheur, mais aussi celui de son époux, qui apparaît pourtant, au milieu des faiblesses nées de son enfance, comme un homme à la fois exceptionnellement tolérant et particulièrement loyal en amour par rapport à ses contemporains.

Un roman étrange, qui met en évidence les contradictions de l'auteur, ses réflexions inquiètes, ses tâtonnements dans la recherche d'une compréhension de l'âme humaine, et les premières traces de la théorie de l'hérédité, sur laquelle il fondera les Rougon-Maquart, qu'il n'a pas encore commencé : Madeleine Férat est l'un de ses premiers romans, sorti juste après son premier succès, Thérèse Raquin, et l'auteur n'a que 28 ans. Ce qui explique sans doute les faiblesses du roman, y compris les "hasards" improbables qui vont enfermer Madeleine dans les souvenirs de ses premières amours comme dans une toile d'araignée...

Le livre s'ouvre par une dédicace au peintre Édouard Manet, qui fait un portrait de l'auteur l'année de sortie du roman, en 1868.

A découvrir grâce à la lecture toujours impeccable et sensible de Pomme, qui vous l'offre sur Littérature audio.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour. Je lis votre commentaire, fort bien fait, mais j'ai dû m'arrêter, puisque je cherchais un moyen de lire le livre.
Meilleures salutations,
Raymonde Danlos

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