20.2.11

Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac

En écoutant Le Lys dans la vallée, je me suis demandée pourquoi je n'avais pas conservé de souvenir plus vif de ce roman, lu dans ma prime jeunesse : il a tout ce qu'il faut pour marquer les esprits.

Ai-je à l'époque méprisé les délicatesses de Félix et de la Comtesse de Mortsauf, engagés dans un amour impossible entre un jeune homme qui débute dans la vie et une femme mariée et vertueuse ? Sans doute pas, même si peut-être je ne les ai pas toutes comprises... En avançant dans ma lecture, j'ai compris pourquoi j'avais effacé de ma mémoire cette belle et triste histoire : les carcans imposés à la fois par l'époque, la religion, et les protagonistes eux-mêmes m'ont assurément révoltée, car il confinent à l'autodestruction. Et l'autodestruction me révolte toujours : même envisagée sous l'angle de la religion catholique, il me semble que notre premier devoir est d'abord de vivre, et que la vie ne peut uniquement se nourrir de sacrifices... Mais je m'emporte ! Reprenons plus calmement.

Ce roman plein de subtilité est parfaitement construit. Nous mettant dans la peau du jeune homme, qui narre cette histoire à une autre femme, Nathalie de Mannerville, il nous laisse d'abord mariner dans les délices et les tourments d'un premier amour, bridé à la fois par les conventions et la timidité du jeune homme, son inexpérience et son absence de calcul. On est touché, à la fois attristé par les obstacles qui se dressent entre les amants et exalté par le sublime de leurs sentiments et de leur expression. A cette étape du roman, il est vrai qu'on serait bien en peine de donner un conseil avisé au jeune Félix pour donner un tour différent à son histoire, car, comme lui, on a du mal à en envisager toutes les funestes conséquences.

Il nous déçoit sans doute lorsqu'il se laisse séduire par lady Dudley, même si l'on peut comprendre que les pulsions ne peuvent éternellement être dominées par un jeune homme. Mais on perçoit déjà qu'il a détruit tout le reste... et la suite nous donnera raison. Selon son caractère, on trouvera sublime ou stupide le secret que Madame de Mortsauf entretiendra toute sa vie autour de ses sentiments réels pour le jeune Félix, et pour les tourments qu'elle endure en silence, une mortification qui la tuera.

Dès ce moment, on est frappé de la finesse d'analyse de Balzac, qui bien avant la psychanalyse, nous démontre que la culpabilité détruit, et qu'il faudrait s'en débarrasser pour vivre pleinement son destin. Et il nous donne le coup de grâce dans le dernier chapitre, où la fameuse Nathalie de Mannerville, à qui s'adresse toute cette prose, prend enfin la parole pour donner à Félix une leçon sur l'amour, à la fois magistrale et éternelle.

Bref, la réputation du Lys dans la vallée n'est pas usurpée, c'est l'une des œuvres maîtresses de Balzac, qui pourtant n'en a écrit aucune qui soit insignifiante. Le texte est magnifiquement servi par la lecture subtile de Victoria pour Litterature audio.com, que je remercie et félicite chaudement pour ce travail, dont l'écoute m'a captivée.

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