1.11.11

Au Bonheur des Dames, d'Emile Zola

J'avais lu Au Bonheur des Dames à l'âge du collège, et j'en gardais un très bon souvenir. Une fois encore, soit dit en passant, assez loin de l'ambiance noire qu'on prête souvent à tort à l’œuvre de Zola : une fois de plus, ce roman le montre plein de sensualité et de romantisme, à côté de son génie bien connu pour capter les évolutions économiques et sociales de son temps.

Ce roman nous conte la naissance des grands magasins qui, sous le second Empire, bouleversèrent le commerce. Le modèle est celui du Bon Marché, tandis qu’Octave Mouret et Denise partagent des traits communs avec les Boucicaut.

On est stupéfait de découvrir que, dès la fin du XIXème siècle, toutes les recettes du grand commerce étaient mises au point : rotation rapide du capital pour lui faire rendre le maximum de rentabilité, vente en masse avec de faibles marges, soldes et démarques pour se débarrasser des invendus et éviter l'immobilisation inutile de capital, marketing de l'offre, avec la création d'événements permettant d'attirer les clientes, services divers à la clientèle, et bien sûr, premier trait de génie, rassemblement sous un seul toit de nombreuses spécialités auparavant dispersées dans de petits commerces spécialisés.

Zola, qui a visité en détail Le Bon Marché, comme en témoigne le très chouette documentaire que vous pouvez encore voir sur Arte +7 (Au Bonheur des dames, l'invention du grand magasin) restitue ces inventions avec précision et pédagogie : comme chaque fois qu'il se mêle d'économie, on prend une belle leçon, sans douleur. Les mécanismes sont démontés dans le détail, qu'il s'agisse du montage capitalistique de l'opération ou des ressorts du désir féminin sur lequel joue cette offre foisonnante et bon marché pour créer une frénésie d'achat... dont on voit les ravages jusqu'à nos jours !

Si vous êtes "marketeur", vous vous régalerez de ce décorticage en règle de méthodes dont beaucoup sont encore employées aujourd'hui, presque à l'identique. Si vous aimez la mode, vous serez ravis de découvrir toutes les tendances de l'époque, naissance de la confection ou description des dessous féminins. Si vous aimez les couleurs et les belles matières, vous aurez envie de vous rouler dans les extraordinaires étalages d'étoffes, minutieusement et savamment décrits par Zola qui en a étudié tous les termes. Si vous aimez les intrigues de bureau, vous serez ravis par les commérages et les drames qui se nouent entre les employés du magasin. Vous découvrirez aussi comment meurent ceux qui ne comprennent pas tout de suite le mouvement à l’œuvre, et qui veulent s'y opposer : aucun des petits commerces du quartier ne survivra au monstre de la vente, que Zola décrit comme une machine ronflante, qui visiblement le fascine. Si enfin vous aimez les belles histoires d'amour, vous serez servis par le suspens installé par Zola, qui dévoile dans les toutes dernières lignes seulement si la jeune Denise succombe ou pas à l'amour dévorant d'un homme qui pourtant semblait voué à bien d'autres aventures amoureuses qu'une passion pour cette jeune fille simple.

Bref, un roman magistral et gourmand, à déguster sans modération, pur produit du génie de Zola dont personnellement je ne me lasse pas. Merci à Nicole Delage pour sa belle lecture, offerte sur Litterature audio.com.

2 commentaires:

Nanou a dit…

Un très bon souvenir de lecture, pour moi également, qui remonte aussi à l'adolescence. A force de lire des billets sur l'oeuvre de Zola, je me dis qu'il faudrait que je le relise. Un projet pour 2012, peut-être ?

Au bonheur des dames a dit…

Superbe et foisonnant roman.
Emile Zola était pile au milieu de sa grande oeuvre avec ce onzième volume de sa grande saga des Rougon-macquart.
J'ai monté un site web sur le sujet avec les chroniques de tous les livres ainsi que des extraits vidéos des adaptations cinéma.
Merci pour votre billet qui permet de voir qu'Emile Zola est toujours lu et pas simplement à l'école.

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