Je ne sais pas pourquoi je n'avais pas terminé ma lecture la première fois que j'ai commencé à lire ce livre. Peut-être ai-je été découragée par le chapitre XI, qui égrène assez fastidieusement les différents hobbies et collections dans lesquels se plonge tout à tour Dorian Gray pour meubler sa vie d'aristocrate sans autre but que de jouir...
Est-il nécessaire de rappeler le "pitch" de ce roman célèbre ?
Dorian Gray est un beau jeune homme, ami du peintre Basil Hallward qui fait de lui un splendide portrait. Mais, alors que le portrait est quasiment terminé, Dorian croise chez le peintre lord Henry Wotton. Un séduisant cynique qui lui laisse entendre que la jeunesse est le bien le plus précieux qu'un homme puisse posséder. Dorian devient alors quasiment jaloux de son portrait, qui ne vieillira jamais, alors que lui connaitra les stigmates du temps, et émet le souhait que ce soit l'inverse... Contre toute attente, il est exaucé, à telle enseigne qu'il sera contraint de cacher ce portrait dans une chambre reculée sous les toits de sa maison, pour que personne ne le voie se dégrader, et devenir hideux au fil des dépravations du véritable Dorian. Mais richesse, beauté et éternelle jeunesse suffisent-elles à assurer le bonheur ? Rien n'est moins sûr.
Si Lord Henry se moque continuellement du moralisme, l’œuvre de Wilde n'en est pas exempte, sans cependant répondre à toutes les questions qu'elle soulève, ce qui fait d'ailleurs l'intérêt du roman.
Il dresse une peinture sociale assez cruelle, où les cœurs purs se font piétiner, pour ne pas dire plus, par les cyniques, tandis que ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre apparaissent mortellement ennuyeux, et où la rédemption n'a pas sa place. Beaucoup de questions donc sur le but de la vie, l'importance de l'apparence dans la vie sociale, où les rapports entre signifiant et signifié peuvent être tout à fait mystificateurs. Les femmes n'y sont pas mises en valeur, n'apparaissant globalement que comme des objets dans la main des hommes, ou des singes grimaçants lorsqu'elles tentent de s'émanciper. Les rapports entre les hommes sont évidemment remplis d’ambiguïté, et assez transparents même s'ils sont habillés des oripeaux des rapports sociaux qui certainement étaient en vigueur à l'époque. Le peintre Basil Hallward est de toute évidence amoureux de Dorian, et Lord Henry ne l'est sans doute pas moins, chacun voulant devenir le Pygmalion du beau jeune homme, qui cherche lui même à manipuler sa propre image aux yeux du monde. Abyssal jeu de miroirs...
Le roman est globalement magistral, en dehors de ce chapitre XI pédant et ennuyeux, manipulant les symboles avec une rare efficacité, et laissant transparaitre moult turpitudes de l'âme humaine sans jamais tomber dans leur vulgaire description, mais par d'habiles suggestions.
Merci à René Depasse qui nous en offre la lecture sur Litterature audio.com.
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