10.12.10

Le Docteur Pascal, d'Emile Zola

C'est magique : on se met un casque sur les oreilles, et on retrouve le temps de lire. Toujours sur Litterature audio.com, j'ai choisi Le Docteur Pascal, lu par Pomme.

Je voulais lire le dernier des Rougon-Macquart depuis un moment : clef finale de l'œuvre de Zola, qui permet de bien resituer tous les personnages de la saga, et donne de nouveaux angles pour comprendre le point de vue de l'auteur.

C'est assurément un ouvrage de la maturité, où il remet en perspective ce que peut être le sens de la vie. Croyance, voire crédulité religieuse, s'affrontent à la démarche de compréhension scientifique en vue d'améliorer le monde et le sort des hommes, mais aussi à une approche plus simple, plus dépouillée, de "la vie pour la vie", qu'il convient de vivre le plus pleinement possible. Vivre pleinement, pour le Docteur Pascal, c'est à la fois travailler, non seulement pour le résultat obtenu, mais plus simplement pour le bonheur d'accomplir sa tâche, mais aussi aimer, être aimé, et transmettre, contribuer à la perpétuation de l'espèce. Des questions éternelles en somme, auxquelles tout un chacun est confronté, à toutes les époques. La réponse est au final assez équilibrée, c'est la résultante d'un vrai parcours de vie, que l'on sent très crédible tout au long du roman. Je m'aperçois en relisant la petite notice qui accompagne les fichiers audio que ce roman est en grande partie autobiographique, et je n'en suis pas surprise.

Bien sûr, chez Zola, on a une peinture sociale, toujours captivante. On vit ici dans une petite bourgade provençale, Plassans (nom imaginaire que je ne retrouve pas sur une carte), à moins de deux heures de train de Marseille, où le qu'en dira-t-on a l'importance qu'on imagine. Félicité, la mère de Pascal, attache une importance démesurée à la réputation de sa famille, dont elle voudrait pouvoir effacer toutes les "tares", tandis que son fils consigne minutieusement toutes les caractéristiques de ses membres sur un arbre généalogique, où il essaie de valider différentes hypothèses sur l'hérédité. A laquelle au final Zola donne moins d'importance qu'on ne le dit lorsqu'on évoque ce roman : l'environnement de vie, et l'éducation donnée, sont largement aussi importants que l'hérédité, ce que Pascal d'ailleurs démontre avec Clotilde, sa nièce (la fille du Saccard de L'Argent), recueillie petite fille, et qu'il va éduquer, l'associant en partie à ses travaux : c'est elle qui reproduit, au pastel, les fleurs destinées à illustrer les ouvrages du docteur, et recopie ses notes.

Pascal, lui, se moque bien de sa réputation. Ce qui l'intéresse, dans toute la première partie de sa vie, c'est la science, et son travail de médecin ne sert pas à le faire vivre (il est rentier), mais à appliquer le résultat de ses recherches pour tenter de guérir, avec plus ou moins de succès, les habitants de Plassans et des environs. Sur le tard, il tombe amoureux, éperdument. Que la femme soit nettement plus jeune que lui n'étonne pas. Que ni l'un ni l'autre ne pense à se marier, davantage. Mais Pascal est décidément anticonformiste, ce qui le rend sympathique, même si son amour, et la soumission de la jeune femme, dérangent forcément à notre époque. Zola traite la question sans moralisme et même avec un romantisme qui étonne un peu chez cet auteur, dont peut être les romans les plus cruels sont les plus connus. Globalement, ce roman là n'est pas pessimiste, même si on n'échappe pas à des moments de tension intenses, comme sait les nouer Zola, sans grande complaisance en général pour l'être humain. Et si les deux personnages centraux sont relativement épargnés par sa plume, leur entourage dépeint les traits les plus déplaisants de l'humanité : orgueil démesuré, avarice, jalousie, folie, et même un peu de vice, moins que d'habitude, mais curieusement logé chez un enfant jeune et beau, mais malade et aux facultés mentales altérées. La folie, et la crainte de son caractère héréditaire, occupent une grande place dans ce roman. C'est sans doute son côté le plus effrayant, évidemment...

Pour finir, un petit mot pour la lectrice, Pomme : la performance est remarquable, une belle voix, une lecture dynamique où chaque personnage est incarné par un ton de voix qui permet de bien le reconnaître, et rend la lecture très vivante. C'est amusant, je ne sais pas si c'est le fait d'écouter plutôt que de lire, ou si c'est une caractéristiques de ce roman, mais j'y ai remarqué comme des refrains, certaines descriptions de la maison où se déroule le roman, ou les théories du Docteur Pascal, sont reprises plusieurs fois, comme si Zola voulait être sûr que son lecteur en soit bien imprégné.

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