27.8.06

La pièce d'or, de Ken Bugul


Dernier des trois ouvrages que j'ai achetés durant Africajarc, La pièce d'or raconte, à la manière d'un conte épique, les désillusions et les espérances d'un peuple, vue par les yeux d'un homme, Ba'Moïse, qui un jour décide de quitter son village pour rejoindre la ville, où il espère faire fortune, ou du moins retrouver des moyens suffisants pour assurer une vie décente à sa famille. Il espérait que son fils aîné Moïse pourrait la leur offrir, mais ce dernier s'est fait exclure de la fonction publique pour cause de discours subversifs, et vit de rien en attendant que le peuple prenne conscience qu'il doit se mettre en marche pour obtenir du pouvoir en place la prise en compte de ses besoins, et le partage des richesses. C'est là le thème central du livre, qui revient comme une litanie tout au long des pages, accompagné d'une critique de l'occupant "venu d'ailleurs" - l'occupant colonial, et, plus acerbe encore, du "nouvel occupant", ce pouvoir autochtone qui s'accapare toutes les richesses, y compris les aides occidentales qu'il s'emploie à récupérer... pour les détourner à son seul profit.
On y voit la peinture d'un pays qui s'appauvrit de plus en plus, tandis que les moeurs se délitent et que le peuple perd sa dignité, n'ayant plus l'espoir de pouvoir vivre décemment de son travail, l'économie traditionnelle ayant été détruite sans être remplacée par un système plus efficace, bien au contraire.
Et la pièce d'or dans tout ça ? C'est une sorte de talisman, offert par une sorte de djinn, et transmis par une aïeule à l'épouse de Ba'Moïse. Elle ne doit en aucun cas être vendue ou perdue : tant qu'elle restera dans le foyer, elle sera garante de l'espoir et de possibles jours meilleurs. A la fin de l'ouvrage, cette pièce d'or devient la quête de toute la population : c'est la pièce échappée de l'écuelle du Condorong, que les tenants du pouvoir se sont appropriés. Mais l'écuelle sans la pièce n'est rien, rassembler les deux garantit la richesse éternelle. Seulement, la pièce d'or est détenue par quelqu'un du peuple, et le peuple n'est plus disposé semble-t-il à se laisser plumer...
Sans doute ce livre évoque-t-il des mythes africains dont la connaissance échappe au lecteur occidental néophyte. La peinture sociale est en revanche tout à fait lisible, et on y retrouve, comme dans le roman d'Adame Ba Konaré, une société constrastée où un petit nombre de nantis s'étourdissent dans un luxe ahurissant tandis qu'une grande partie du peuple vit sur les décharges des grandes villes.
Cependant, même si on la comprend, la ritournelle lancinante de la critique du pouvoir, et du "grondement lourd et sourd qui monte des entrailles de la terre" gâche un peu selon moi la magie, et partant la puissance de ce qui pourrait être un conte philosophique.
Il faudra que je lise Le Baobab fou, qui semble assez largement inspiré de la vie réelle de Ken Bugul, dont la personnalité et les propos m'avaient bien plu lors de la conférence sur l'excision, et du bref échange que j'ai eu avec elle lorsqu'elle m'a signé son livre.

Pas de critiques de lecteurs pour cet ouvrage, sans doute pas assez connu et diffusé. Les journalistes l'ont plutôt bien accueilli, voir Le Temps et Lire. Evene propose une présentation assez complète du livre, et surtout une intéressante interview de Ken Bugul. Une autre présentation sur le site de l'éditeur, UBU éditions, propose également une interview reprise du Magazine Littéraire, et un extrait du livre. Sur Lire les Femmes écrivains et les littératures africaines, on trouve une biographique de l'auteur et une présentation de ses différents ouvrage. Portes d'Afrique présente également une biographie de Ken Bugul.

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