20.4.11

George Sand versus l'Abbé Prévost

Je n'aurais pas eu l'idée de comparer les deux auteurs, si ne n'avais lu, en présentation de Leone Leoni, que George Sand avait écrit ce roman en s'inspirant de Manon Lescaut. Depuis longtemps, j'aime beaucoup les écrits de George Sand (Consuelo fait partie de mon petit Panthéon personnel), et je n'avais pas lu Leone Leoni, ni Manon Lescaut d'ailleurs : je ne sais pourquoi, le nom de l'auteur ne m'inspirait rien qui vaille, et la présentation qu'il fait lui même de son œuvre, qu'il propose pour l'édification des âmes, me laissait présager quelque ouvrage moraliste du plus profond ennui.

En réalité, l'Abbé devait chercher à se justifier d'avoir écrit une histoire d'amour aussi sulfureuse pour l'époque : un jeune chevalier de bonne famille destiné à devenir Templier tombe amoureux d'une jeune aventurière prête à offrir ses charmes à tout homme un peu fortuné capable d'entretenir son goût du luxe et du divertissement. Bien que blessé de voir sa loyauté plusieurs fois trahie, le chevalier des Grieux restera follement amoureux de sa belle, pour laquelle il transgressera non seulement toutes les règles de vie d'un jeune homme bien né, mais la loi même, renonçant à sa fortune par la même occasion.


George Sand s'est proposée d'inverser les rôles : dans Leone Leoni, c'est la jeune fille qui est loyale, et le jeune homme volage. Noble vénitien ruiné par le jeu et ses mauvaises fréquentations, le beau jeune homme séduit la fille d'un joaillier belge, dont il embobine au passage toute la famille qui prépare le mariage. Mais lui préfère enlever la jeune femme, un soir qu'elle est toute parée de bijoux pour un bal masqué, et qu'elle vaut plus que son poids en pierres précieuses, craignant que sa ruine et sa mauvaise réputation ne parvienne à ses futurs beaux parents en même temps que les papiers justifiant de son identité, qu'il doit produire au père de la jeune fille pour établir le contrat de mariage. S'ensuit une fuite romanesque, d'abord dans un coin perdu de montagne, puis en Italie, pour se terminer à Venise, où Sand a rédigé son roman et où s'achève l'histoire. Là encore, ni les transgressions ni les humiliations n'auront raison de l'amour de la jeune femme pour son beau vaurien.

Les deux romans sont également captivants : on se demande à chaque instant si l'amoureux transi va se libérer de l'emprise de ses sentiments pour échapper aux souffrances que lui fait subir l'être aimé. Et Leone Leoni, comme Manon Lescaut, ne manquent pas d'imagination pour alimenter leurs turpitudes. L'écriture de la belle George Sand reste cependant la plus romanesque, celle qui me touche le plus. Le fait qu'elle plante son décor en Italie, et notamment à Venise, ajoute bien sûr au charme de l'ouvrage.

Les deux peuvent s'écouter gratuitement grâce à Litterature audio.com et à René Depasse.

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